Formation VTC – manque-t-elle de VTC
Formation VTC – manque-t-elle de VTC
La France manque-t-elle de VTC ?
Enquête
Les plates-formes de voitures de transport avec chauffeur se plaignent des difficultés d’accès à la profession, notamment en raison de la difficulté de l’examen et de la longueur des procédures.
La loi d’orientation des mobilités qui revient au Parlement veut renforcer le cadre social des VTC.
Plus d’attente pour une voiture, des courses plus chères qu’il y a quelques mois… De nombreux utilisateurs de voitures de transport avec chauffeur (VTC) témoignent de leurs difficultés à utiliser, depuis plusieurs mois, ce mode de mobilité typique des grandes métropoles et particulièrement de la région parisienne. Sur les 30 000 VTC qui exercent en France, les deux tiers sont en Île-de-France.
« Le temps d’attente, comme le prix des courses, a augmenté », reconnaît Yves Weisselberger, président de la Fédération française des transports de personnes sur réservation (FFTPR) qui regroupe six plates-formes de VTC (Kapten, SnapCar, LeCab, Bolt, Marcel et Allocab). Cette situation s’explique, selon lui, par la pénurie de chauffeurs, la loi ayant compliqué l’accès au métier.
« Entre la croissance de la demande et le remplacement des VTC qui s’arrêtent, il faudrait que 10 000 nouveaux chauffeurs arrivent sur le marché par an, explique Yves Weisselberger. Il y a quelques années, c’était largement le cas mais l’année dernière, seuls 4 000 personnes ont pu devenir VTC. »
Trop long, trop cher
Pourquoi ce tarissement de la filière ? Les professionnels évoquent la loi Grandguillaume (du nom de l’ancien député PS de Côte-d’Or) de fin 2016. D’une part elle a mis fin à la possibilité pour des patrons titulaires d’un statut Loti (sous ce statut destiné au « transport collectif à la demande », le chauffeur doit véhiculer au moins deux personnes) de salarier des chauffeurs VTC dans les villes de plus de 100 000 habitants. Mais surtout elle a institué un examen, quasi similaire à celui des taxis, que les acteurs du secteur jugent bien trop complexe et trop long à obtenir. L’examen comporte une partie théorique et une partie technique.
« Nous avons calculé qu’en moyenne, il fallait désormais au moins neuf mois entre la formation, l’attente entre les sessions d’examens et l’inscription au registre des VTC », dit une porte-parole d’Uber. Le prix lui aussi serait devenu un frein. « Pour un candidat qui ne bénéficie pas de tarifs préférentiels, il faut compter jusqu’à 3 000 € dont environ 750 € pour le seul examen. »
« Autrefois, ce métier permettait à de nombreuses personnes issues des quartiers défavorisés éloignées du monde du travail d’accéder à un emploi, insiste Yves Weisselberger. Qui de ces personnes aujourd’hui peut attendre des mois sans travailler tout en payant pour se former ? »
La LOM de nouveau au Parlement
Les professionnels du VTC ont aussi critiqué l’organisation des examens que la loi a confiée aux chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Les plates-formes estimaient notamment que les taxis y sont très, voire trop représentés et que cela pouvait peser sur la fréquence des examens ou sur la teneur des sujets. Le Conseil d’État leur a donné satisfaction le 5 juillet dernier en annulant le décret encadrant l’organisation de ces examens. Le gouvernement a six mois pour modifier ce texte.
À moins que le sujet soit réglé par la loi d’orientation des mobilités (LOM) qui revient au Parlement après l’échec, en juillet, de la commission mixte paritaire qui devait harmoniser les textes du Sénat et de l’Assemblée nationale. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du Palais-Bourbon devait finir d’examiner à nouveau le projet de loi le mercredi 4 septembre.
Un droit de refuser les courses
Certains autres articles de la LOM concernent la protection sociale et les conditions de travail des VTC. La possibilité par exemple pour un conducteur de connaître la destination de la course et son prix et la possibilité de la refuser, le droit à la déconnexion aussi. Le projet de loi permet aussi aux plates-formes d’établir une charte sociale à destination des chauffeurs sans que cette charte ne constitue « des indices de requalification de la relation contractuelle en salariat. »
Ce qui provoque l’ire de Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat des chauffeurs privés VTC Île-de-France. « Cette loi ne résout rien, dit-il. Soit un chauffeur assume d’être un indépendant, soit il doit être salarié avec un cadre social. On ne peut pas être entre les deux. Or la LOM va donner aux plates-formes un argument de plus devant la justice pour échapper à la requalification en salariat pour les chauffeurs qui le voudraient. »
C’est dans ce contexte que se tient les 4 et 5 septembre le Congrès des VTC, porte de Champeret à Paris. La manifestation attend environ 3 000 visiteurs. « La profession est bien plus réglementée aujourd’hui, sans doute plus complexe et en même temps plus stable, dit Yann Azran, son organisateur… Quand vous avez investi dans une formation, que vous êtes mieux préparé, vous restez plus longtemps dans un métier. Mais les VTC ont aussi besoin de prendre du recul, de rencontrer des professionnels pour les aider. »
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Du Roi-Soleil au rapport Attali de 2008
L’opposition entre les VTC et les taxis ne date pas d’hier. Déjà, sous Louis XIV, circulaient des « voitures de place », accessibles aux passants dans la rue, et des « voitures de remise », qui ne se déplaçaient que sur demande.
Au XIXe siècle, on distingue les voitures de « petite remise », dépendantes du ministère de l’intérieur et moins réglementées, des voitures de « grande remise », plus luxueuses et destinées aux touristes.
Dans les années 1960, le terme de « taxi » se substitue à celui de « voiture de place », d’après le « taximètre », le compteur du véhicule. L’absence de contraintes réglementaires des « petites remises » et leurs prix très compétitifs soulèvent l’opposition des taxis.
Les tensions s’intensifient avec la loi Loti en 1982, qui évoque la notion inédite du « transport collectif à la demande », puis avec le développement des VTC (Voitures de tourisme avec chauffeur), suggéré par le rapport Attali en 2008.
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