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Ce que les travailleurs ubérisés pensent de la loi Mobilités

C’est sous le soleil de Californie, où Uber naquit en 2009, que la justice américaine a plaidé le 11 septembre pour offrir aux chauffeurs « ubérisés » une meilleure protection et un salaire minimal, les mêmes qu’ils auraient s’ils étaient des salariés de ces sociétés. Sur ces points cruciaux, la France tâtonne… Les innombrables plateformes de service de cette « gig economy » y ont pourtant aussi abondamment prospéré au cours de la dernière décennie. Et plus de 200 000 travailleurs y transitent, chiffre un récent rapport de l’Institut Montaigne.

Leurs conditions de travail constituent un des aspects du projet de loi d’Orientation des Mobilités (Lom) actuellement examiné au Parlement. Mais dans le cadre d’un article 20 hétérogène qui « protège les intérêts des plateformes en jetant des miettes sociales aux travailleurs », dénoncent les premiers concernés, mobilisés cet été durant la grève perlée des livreurs à vélo et au printemps lorsque des chauffeurs VTC ont bloqué l’aéroport de Nice pendant le Festival de Cannes.

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Défendu par le nouveau secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, le projet de loi Lom, adopté mardi 17 septembre en nouvelle lecture par les députés, va retourner au Sénat à une date indéterminée, puis l’Assemblée nationale aura le dernier mot. Que prévoit donc l’article 20 du texte, dont les opposants dénoncent le manque d’ambition ? L’instauration d’un socle d’obligations pour les plateformes ; la mise en place (facultative !) de chartes de bonne conduite ; l’organisation d’une structuration des travailleurs ubérisés. Décryptage, point par point, avec avis des travailleurs concernés.

  • Un « socle d’obligations »… pas si nouvelles

Tandis que le « virage social » du quinquennat se fait désirer, l’équation est délicate pour le gouvernement. Impossible de fermer les yeux sur les grèves perlées menées tout l’été par les livreurs à vélo, qui protestent contre la baisse de la rémunération de leurs courses. Ni sur les blocages sporadiques des chauffeurs VTC devant les grands aéroports du pays. Difficile, dans le même temps, de cracher sur Uber, Deliveroo et autres plateformes auxquelles Pôle emploi recourt pour lutter contre le chômage. Il fallait donc un texte de loi qui permette d’améliorer la situation sociale des travailleurs des plateformes, sans mettre à mal un modèle économique qui atténue le nombre de demandeurs d’emploi.

Parmi les obligations imposées par l’article 20 du texte de la loi Lom, citons des critères de transparence, comme l’obligation par exemple de donner pour toute course « la distance couverte […] et le prix minimal garanti » ainsi qu’un droit à la déconnexion et au refus de course, sans pénalité. « Dans les faits, on a le droit de refuser les courses depuis très longtemps, explique auprès de “l’Obs” Sayah Baroun. Le chauffeur a toujours eu le droit de refuser ! » Visage bien connu des manifestations des chauffeurs VTC, le fondateur du collectif SCP-VTC, affilié à l’Unsa, dénonce des obligations « bullshit ». Lui qui a débattu de ces sujets précis avec Emmanuel Macron dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle regrette d’avoir été écarté des discussions quelques mois plus tard. La loi Lom, estime-t-il, « protège les intérêts des plateformes en jetant des miettes sociales aux travailleurs ».

  • Une charte de bonne conduite… facultative

« On essaye d’encourager les plateformes à engager leur responsabilité sociale, sur le principe des chartes », indique à « l’Obs » le député LREM Aurélien Taché. L’article 20 de la loi Lom prévoit en effet l’instauration de chartes de droits et d’obligations pour les plateformes pour mieux organiser leur relation avec les travailleurs, avec des répercussions sur le fonctionnement des applis et leur qualité de service (temps d’attente). « Mais ces chartes sont en option, et élaborées de manière unilatérale. Elles ne constituent pas un accord collectif au sens légal du terme », fustige Laurent Degousée, délégué Sud Commerces, contacté par téléphone. Présent à chaque grève (livreurs, chauffeurs…), le responsable syndical poursuit :

« Ces chartes gravent dans le marbre l’exploitation de plus en plus importante dont les travailleurs des plateformes font l’objet. »

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Le Conseil national du numérique a, lui aussi, rendu un avis très sévère sur ces chartes – qui reviendraient à laisser les plateformes « décider presque seules des règles qui s’appliqueront » –, prônant plutôt l’ouverture de négociations collectives obligatoires, notamment sur la rémunération.

  • L’épineuse désignation de représentants

Dispersés, isolés car travaillant chacun en solo de leur coté, les travailleurs de la « gig economy » peinent à structurer leurs luttes. Et ils n’ont souvent pas d’autres moyens que la grève pour se faire entendre par les plateformes. « Le modèle des élections professionnelles est transposable à ces travailleurs, veut croire Laurent Degousée, délégué Sud Commerces. Sinon, la seule manière de dialoguer avec les employeurs continuera d’être la grève… »

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Un enjeu crucial, admet le député de la majorité Aurélien Taché. Mais, pour l’heure, le gouvernement a retoqué sa proposition d’organiser des élections professionnelles par secteur : « On m’avait répondu que ce n’était pas dans le cadre des relations entre travailleurs indépendants et entreprise la meilleure manière de faire… L’urgence est là. On a eu la grève des livreurs cet été. On a ce leader des mouvements de contestation, Nassim, dont le contrat a été résilié du jour au lendemain par la plateforme Deliveroo et dont on peut se demander quand même s’il n’y a pas un lien avec le fait qu’il soit en grève. Il faut donc inventer un mouvement social qui permette d’organiser les batailles et les luttes de ces travailleurs pour qu’ils obtiennent une protection sociale adéquate. »

Une protection sociale qui doit, insiste l’élu du Val-d’Oise, « être garantie, très largement par les pouvoirs publics… » Les principaux concernés, eux, arguent qu’ils n’ont pas attendu la loi Lom pour structurer leurs luttes… La preuve par Caval, ambitieux collectif dans les tuyaux et qui ambitionne… d’incarner dans un futur très proche, le principal corps intermédiaire de tous les ubérisés.

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