Formtion VTC – Les taxis tournent à plein régime

Les temps d’attente qui rallongent et des prix qui augmentent. Chez les VTC, comme chez les taxis, la concurrence fait rage.

Pas de parking et encore moins de voitures. Pour l’ouverture de son tout nouveau centre d’accueil destiné à ses futurs “chauffeurs partenaires”, Uber, le leader des VTC (voiture de transport avec chauffeur), a choisi de s’installer au 35e étage de la tour Montparnasse. En poussant la porte, on découvre un espace de 600 mètres carrés avec vue à 180 degrés sur tout Paris, histoire d’offrir aux aspirants la meilleure perspective possible sur le métier.

“Ils peuvent prendre rendez-vous en ligne et rencontrer ici des experts qui les aideront à personnaliser leur projet”, explique Bastien Cransac, le responsable du site, qui attend déjà un millier de prospects rien que sur la première semaine. Choix de la voiture selon les moyens, de la structure juridique selon les besoins. Tout est fait pour, dès le départ, pérenniser leur activité.

Nouvelle lenteur administrative

Originaire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), Tahar Chouaref, 24 ans, vient tout juste d’être reçu à son examen et pensait pourvoir démarrer illico son activité. “Dès que j’ai eu les résultats, j’ai pris rendez-vous. J’ai déjà ma voiture, une DS5, mais il faut encore que j’attende ma licence et que je monte ma structure.” Cet ancien bagagiste, qui a déjà déboursé 800 euros en formation et en droits d’examen, découvre que le statut de chauffeur VTC est bien plus long et compliqué à décrocher qu’auparavant. Tout ne se fait pas en un clic.

Pour les chauffeurs comme pour les plateformes, l’année 2018 marque en effet un vrai tournant. En janvier, avec l’entrée en vigueur de la loi Grandguillaume censée remettre de l’ordre dans le marché des VTC, les applications ont perdu près de 20 % de leur activité après la sortie de route des Loti (transport collectif à la demande). Ces chauffeurs au statut décrié, censés accueillir au moins deux personnes dans leur voiture, étaient venus grossir opportunément les rangs des applications quand celles-ci étaient en pleine phase d’expansion.

Seulement, face à la grogne des taxis et des titulaires de la carte professionnelle VTC, le précédent gouvernement avait décidé de mettre fin à cette concurrence jugée déloyale. Terminé, l’inscription en un mois au registre du tourisme. Désormais, les examens sont communs aux taxis et aux VTC et il faut compter entre six et neuf mois pour valider tout le parcours. Une nouvelle lenteur administrative qui a mis des bâtons dans les roues à tout le secteur.

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“Nous recensons aujourd’hui 25 000 chauffeurs actifs sur la plateforme, après en avoir désactivé 10 000 pendant la période de transition (avec la fin des Loti début 2018), même si bon nombre ont depuis retrouvé accès à leur compte”, précise Mayya Layt, directrice des opérations chez Uber. Problème: dans le même temps, le nombre d’utilisateurs a continué d’augmenter et dépasserait aujourd’hui les 2,7 millions dans l’Hexagone. “Ce qui fait qu’entre janvier et maintenant, nous avons effectivement ressenti des temps d’attente qui se sont rallongés et des prix qui ont mécaniquement augmenté”, conclut-elle. Ce qui n’a pas échappé aux clients dont le mécontentement s’est lui aussi orienté à la hausse.

La concurrence fait rage

Ce reflux du nombre de VTC en circulation a eu pour effet d’exacerber la concurrence à laquelle se livrent les applications. Les clients se tournent en effet généralement vers celles qui emploient le plus de conducteurs pour ne pas avoir à poireauter. Alors que le leader français du secteur, Chauffeur Privé, fraîchement revendu au constructeur allemand Daimler, s’affiche en 4X3 dans les rues de la capitale pour revendiquer sa deuxième place, la guerre fait rage pour conquérir les chauffeurs.

Soutenu par la puissante licorne chinoise Didi Chuxing(valorisée 45 milliards d’euros), le dernier arrivé, l’estonien Txfy (anciennement Taxify), frôle même l’excès de vitesse. La plateforme pilotée par Henri Capoul, 25 ans au compteur, a ainsi refait son retard sur les leaders en seulement six mois. “Nous avons conquis 16 000 chauffeurs à Paris et un millier à Lyon, soit la quasi-totalité du marché à chaque fois”, s’enthousiasme le jeune dirigeant “recruté sur LinkedIn”, qui marche dans les pas du fondateur de la start-up, Markus Villig, 24 ans à peine.

Pour se frayer un chemin, Txfy tente d’uberiser Uber. Afin de fidéliser ses chauffeurs, Txfy prélève ainsi une commission de seulement 15 %, quand le géant des VTC s’octroie lui 25 % du montant des courses, et l’Estonien offre également des bonus sur le nombre de trajets effectués. Côté clients, “nous sommes 5 % moins chers que les autres, confie le jeune responsable. Nous avons des coûts très faibles [10 personnes en France] car toute la technologie est centralisée à Tallinn, en Estonie”.

Le nouveau géant européen, qui devrait effectuer une importante levée de fonds en juin, ambitionne d’ouvrir son service dans huit à dix villes françaises dans les prochains mois. “C’est un métier d’indépendants, il y a beaucoup d’allers et venues, rappelle un observateur avisé du secteur. Comme les particuliers, les chauffeurs n’hésitent pas à jongler entre les applis.”

Les taxis tournent à plein régime

Allan Underwood, de son côté, regarde cette bataille de la route avec confiance et peut être un certain plaisir. Toute ressemblance avec le nom d’un président américain régnant sur Netflix serait purement fortuite. Bien ancré dans le réel, le directeur général de G7 Taxi Service enchaîne les poignées de mains avec “les compagnons” au premier étage de l’atelier de réparation des célèbres taxis parisiens, coincé entre le boulevard périphérique et l’autoroute A1, au nord de Paris. Ici, Allan Underwood gère l’héritage historique de la famille Rousselet, la location des 763 licences de taxis de la compagnie. Car si G7 se place en leader du marché européen, avec ses 9 000 taxis affiliés en Ile-de-France, ces licences en propre constituent son véritable trésor.

“C’est notre principal actif, il est hors de question de les céder, prévient le directeur général. Malgré les perturbations qu’a connues le secteur des transports avec les VTC, la profession attire toujours. On voit même des VTC revenir vers le taxi.” Ces licences, dont le prix unitaire oscille toujours autour de 200 000 euros, vaudraient plus de 150 millions d’euros sur le marché. On comprend mieux l’intense lobbying effectué par la famille Rousselet lors de l’élaboration de la loi Grandguillaume pour limiter la concurrence.

“Il y a du boulot, on est même obligé de refuser des clients”, confie David, chauffeur G7 depuis vingt ans. Avec un nombre de licences qui est resté stable (autour de 18 000 pour Paris et sa petite couronne) depuis l’arrivée des VTC, G7 enregistre ainsi une hausse de 20 % du nombre de courses sur le premier trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017. Si “la guéguerre avec les taxis est finie”, comme le suggère un représentant d’Uber, il semblerait bien que cela soit justement parce que ce sont les taxis qui l’ont gagnée…

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